A une facebookeuse qui demande des renseignements sur la FIV et le transfert des embryons congelés, j’essaie d’expliquer dans cet article les indications de ces méthodes de procréation médicalement assistée ainsi que le parcours d’une FIV/ICSI durant lequel il faut persévérer pour avoir des chances de succès et d’un Take Home Baby
L’infertilité touche environ 1 couple sur 6 soit 15% de la population, avec des causes diverses. Il faut d’abord préciser que l’on ne parle d’infertilité qu’après 1 an de rapports sexuels réguliers (2-3 fois par semaine) sans contraception. Ce délai peut être raccourci si la femme et âgée de plus de 36 ans car il est difficile de lui dire de revenir dans 1 an à cet âge. Dans 30% des cas, la femme est concernée, dans 30% l’homme également (D’où l’importance de toujours demander un spermogramme quand on explore une infertilité), dans 30% les causes sont mixtes et aucune cause n’est retrouvée par les explorations usuelles dans 10% des cas environ.
Depuis 1979 et la naissance de Louise Brown, il y a eu énormément de progrès de la procréation médicalement assistée, notamment le développement de médicaments efficaces et de techniques permettant d’augmenter grandement le taux de succès. La vitrification ou congélation rapide des embryons a permis également de garder au froid presque indéfiniment des embryons que l’on peut réimplanter lors de cycles ultérieurs si les transferts frais ont échoués ou sont dangereux, ce qui représente une grande avancée Dans certains pays ou les process ont été presque ‘’industrialisés’’ (Espagne surtout), les taux de succès atteignent les 60-70% , voire même 80% quand l’on utilise des dons d’ovocytes ou de sperme pour les femmes très âgées . Ne vous trompez pas, la plupart des femmes de plus de 43 ans tombées enceinte par FIV le sont par des ovules qui ne leurs appartiennent pas (interdit en Islam)
Mais en quoi consiste la FECONDATION IN VITRO ? Tout simplement à réaliser une fécondation dans une éprouvette (d’où le terme de bébé éprouvette) après avoir retiré les ovocytes (ou ovule, cellule féminine équivalente du spermatozoïde issu de la croissance d’un follicule ovarien lors du cycle menstruel) et mis en contact avec les spermatozoïdes du mari. Elle était initialement indiquée lorsque les trompes féminines reliant l’utérus à l’ovaire sont bouchées et ne permettant pas la rencontre ovule-spz (trompes bouchées par des adhérences, une infection ou encore une endométriose).
L’ICSI OU INJECTION INTRACYTOPLASMIQUE DES SPERMATOZOIDES consiste à introduire directement 1 seul spz dans le noyau de l’ovule pour le féconder, ce qui permet le succès même quand le sperme est très altéré (moins de 1 million de spz/mm au spermogramme) ou carrément absence de spermatozoïdes dans l’éjaculat mais que l’on peut en retrouver dans les testicules après biopsie.
La FIV est aussi indiquée en dernier recours en cas d’infertilité inexpliquée ou en cas d’insuffisance ovarienne prématurée quand les autres techniques de stimulation n’ont pas marché, ou encore dans un syndrome des ovaires polykystiques difficile à faire ovuler par stimulation simple
Avant toute FIV, un bilan exhaustif de l’infertilité est demandé pour essayer d’en établir la cause –exploration de la réserve ovarienne par un bilan hormonal, exploration du sperme et des trompes, mais aussi des sérologies infectieuses. Si l’âge est très avancé ou avec une réserve ovarienne basse, on peut aussi proposer au couple d’aller directement en FIV.
Elle consiste d’abord à stimuler les ovaires par de fortes doses d’hormones gonadotrophines (FSH +/- LH pour les mauvaises répondeuses) pour faire pousser plusieurs follicules ovariens (structures entourant l’ovule) pendant 10 à 15 jours voire plus selon les protocoles tout en surveillant régulièrement leur croissance par des échographies vaginales et des dosages hormonaux. Avec les stylos injecteurs, les femmes s’injectent elles même le plus souvent les doses prescrites par son gynécologue, selon son profil, dès le début du cycle menstruel. Quand les follicules dépassent 14 mm de taille, on introduit des médicaments bloquant l’ovulation pour éviter leur sortie prématurée. Quand on obtient une bonne cohorte folliculaire mature avec plusieurs follicules de plus de 18 mm, on va alors déclencher l’ovulation par une injection 36 h exactement avant le pick-up, c’est à dire avant d’aller les récupérer dans un bloc dédié à la FIV (bien sur jamais au cabinet du médecin !!!) Sous petite anesthésie, on fait alors une ponction des ovaires lors d’une échographie endovaginale et on essaye de ponctionner le maximum d’ovules (idéalement 15, mais ça dépend beaucoup de la réponse folliculaire de la femme) pour les donner immédiatement au biologiste qui les met tout de suite en contact avec les spermatozoïdes (FIV ou ICSI selon l’état du sperme recueilli en même temps, ICSI si déjà congelé). La fécondation commence alors.
Des 24h, on commence à voir les 1ers embryons se diviser et leur croissance est surveillée régulièrement. Les labos les plus riches dans les pays industrialisés vont utiliser un embryoscope ou étuve équipée de caméra surveillant en continu la croissance des embryons pour éviter de les faire sortir tous les jours, mais cela n’a pas prouvé sa grande supériorité sur les résultats. Selon les cas, selon le nombre d’embryons qui ont poussé, selon l’endomètre et la réponse folliculaire, on va procéder à un transfert de 1 ou deux embryons dans l’utérus au 2ème ou 3ème jour, voire au 5ème jour quand l’embryon a bien grandi.
Le transfert se fait généralement sans anesthésie et sans douleur toujours au centre de fertilité, parfois sous guidage échographique. C’est fini. On n’a plus qu’à attendre en croisant les doigts le résultat du test sanguin 10 jours plus tard, qui signe l’apparition d’une grossesse biochimique. A ce moment, on peut contrôler l’évolution par une échographie. La date de grossesse correspond à la date de ponction.
Mais que fait-on des autres embryons ? On ne peut pas tous les réimplanter !! On ne va pas les jeter !! La vitrification est une technique efficace qui permet de les congeler immédiatement puis les conserver pendant très longtemps dans de l’azote liquide à -173 °. En cas d’échec on pourra toujours les décongeler et les réimplanter lors de cycles ultérieurs. On appelle cela le transfert d’embryons congelés ou TEC, après généralement une préparation simple de l’endomètre par des œstrogènes et de la progestérone comme si l’on mimait un cycle naturel et que l’on faisait le transfert au moment adéquat du cycle. Le succès des TEC dépend grandement du nombre d’embryons obtenus lors de la ponction et de leur qualité. Il permet aussi à un couple qui a déjà eu un bébé par FIV de revenir plusieurs années après pour un 2ème bébé. Grace au TEC, le taux de succès de la FIV sur 6 mois peut atteindre les 60-70% de Take Home Baby selon les équipes.
On va aussi opter pour un transfert d’embryons congelés quand il y a un risque particulier pour la patiente, notamment en cas de stimulation chez les femmes ayant des ovaires polykystiques. Ces femmes sont à risque important d’hyperstimulation ovarienne d’HSO qui peut être dangereuse, voire mortelle (3/100.000 décès) car les follicules très sensibles répondent de manière explosive aux gonadotrophines. La surveillance échographique et biologique permet de s’assurer de l’absence de risque majeur d’HSO, car le meilleur traitement préventif est l’absence de HCG qui maintient et stimule cette hyperstimulation. Parfois, des couples inconscients des dangers maintiennent des rapports sexuels potentiellement fécondants malgré la décision d’annulation du cycle. Mais ce n’est pas une annulation, juste un report. En cas de TEC, la date de grossesse est la date du transfert moins l’âge de l’embryon (2-3 ou 5 j)
Il existe aussi des protocoles de double stimulation chez les femmes mauvaises répondeuses qui consiste à refaire une stimulation par gonadotrophines juste quelques jours après la ponction, pour récupérer de nouveaux follicules qui n’avaient pas suffisamment grandi lors de la 1ere stimulation. Cette deuxième stimulation permet souvent de récupérer de nouveaux ovocytes à féconder mais ça coute le double du prix des médicaments. L’endomètre étant inadapté, on ne peut pas faire de transfert frais immédiatement dans ces cas.
Le faible taux de réussite de la FIV (30-40% en 1ère tentative) varie grandement selon le nombre d’embryons, l’âge de la patiente (et donc la quantité mais surtout la qualité de ses ovocytes) mais aussi la qualité de l’endomètre dans lequel on a réimplanté l’embryon, et l’expérience du gynécologue. Il faut rappeler que naturellement près de 70% des grossesses sont évacuées dès le début de la conception, avec les règles, ou en début de grossesse par une fausse couche spontanée, le plus souvent liées à des erreurs chromosomiques. Cela peut évidemment concerner aussi les embryons de la FIV, même sils semblent morphologiquement normaux. Combien de Top Embryons ne s’implantent pas ? Combien d’embryons jugés de piètre qualité et transférés juste car c’était les derniers ont donnée des grossesses inespérées. Beaucoup dans les deux cas. Le moyen technique de repérer ces embryons anormaux (dits aneuploïdes) existe, c’est le dépistage préimplantatoire qui consiste à prélever une cellule de l’embryon à J2, faire son analyse génétique, le congeler et puis replacer les embryons normaux lors de cycles ultérieurs. Mais ce DPI n’existe pas au Maroc, coute très cher (plus de 10.000 euros) et doit répondre à des indications médicales précises encadrées par la loi pour éviter tout eugénisme (choix des bébés comme on les voudrait !!).
Des fois, il existe des pathologies méconnues (inflammation chronique) qui peuvent également faire échouer l’implantation) et qui ne pourront être suspectées qu’après plusieurs échecs de transferts d’embryons estimés de bonne qualité. Une biopsie de l’endomètre peut aider au diagnostic et l’on peut proposer des injections de PRP (plasma riche en plaquettes) pour améliorer l’endomètre. Je rappellerai que le PRP dans l’ovaire, malgré toutes les fausses promesses de beaucoup d’études biaisées, n’a pas encore prouvé son efficacité lorsque la réserve ovarienne est très basse suite à un épuisement du capital folliculaire. Si la stimulation à fortes doses ne répond pas, voire la double stimulation, il n’y a plus que le don d’ovocytes à l’étranger (interdit en Islam) ou l’adoption ou encore se résigner.
LA FIV donc reste une assistance médicale à la procréation qui n’est pas toujours couronnée de succès malgré l’argent investi. Le coût (environ 30 à 40.000 dhs) s’explique par la lourdeur des bilans biologiques, le coût des médicaments de stimulation (qui viennent à peine d’être soumis à remboursement par l’AMO) le suivi échographique, la ponction sous anesthésie et le transfert). Mais la persévérance finit souvent par payer. Et ça dépend surtout de la Grace de Dieu !!!
Pour finir, je rappellerai que beaucoup de couples ayant eu leur 1er enfant en FIV après un parcours du combattant très difficile; sont surpris après quelques années de voir des grossesses spontanées survenir. Ce n’est pas une, ni deux cas que j’ai rencontré mais vraiment plusieurs au point que je commence à proposer une contraception après accouchement d’un bébé FIV. Le comble !!!
Dr Hicham BEN ABBES TAARJI
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